Enquête sur la souffrance des vétérinaires

 

Aujourd’hui, jeudi 19 mai 2022, différents journalistes, représentants des ENV, de la DGAL, de la DGER, du sénat, se sont retrouvés, invités par le CNO et Vétos- Entraide. Ils ont reçu en avant première les résultats de notre enquête sur la souffrance au travail des vétérinaires ; la première en France à étudier le burnout et les idéations suicidaires chez les vétérinaires ; la première au niveau international à prendre en compte à la fois les facteurs de personnalité et les facteurs de stress professionnels dans l’étude de la souffrance de nos confrères et consœurs.
Courant 2019, nous avons rencontré ensemble le pr. Didier Truchot, professeur en psychologie sociale à l’Université Bourgogne-Franche-Comté. Le pr. Truchot a réalisé plusieurs études sur la souffrance au travail et sur le suicide au sein de différentes professions, dont les agriculteurs, les médecins, les kinésithérapeutes.
Des études anciennes existent à l’international. Elles révèlent que le problème n’est pas récent ; elles ont montré que le taux de suicide au sein de notre profession est 4 fois supérieur à celui de la population générale, et même 2 fois supérieur à celui des populations médicales (également fortement à risques).
L’ordre des Vétérinaires et l’association Vétos-Entraide ont souhaité, par le biais d’un travail avec le pr. Truchot, faire un état des lieux au sein de la population vétérinaire française. Il s’agissait donc d’objectiver le taux de burnout et d’idéations suicidaires (variable choisie car assez liée au passage à l’acte) au sein de notre profession, de déterminer la part des facteurs de personnalité et des conditions de travail ; mais également de mettre en évidence les facteurs de stress sur lesquels nous devons nous concentrer en terme de prévention.
Pour cela, le pr. Truchot a réalisé une étude à la fois quantitative et qualitative. Dans un premier temps, 39 vétérinaires ont été interviewés, soit 64h d’entretiens, 390 heures de retranscription.
Cela a permis d’établir une échelle de facteurs de stress adaptée à notre profession ; puis d’établir ensemble le questionnaire qui a été envoyé aux vétérinaires français, qu’ils exercent en clientèle « conventionnelle » ou non : pour ce questionnaire, au-delà des facteurs de stress déterminés grâce à l’étude qualitative (ainsi qu’à une étude réalisée peu avant par Marie Andela), ont été choisies des échelles de burnout, d’idéations suicidaires, de workaholisme, de facteurs de personnalités, reconnues et validées internationalement.
Ce sont 3244 vétérinaires qui ont répondu présent, soit 17,5 % de la population vétérinaire. Cela constitue un très bon taux de réponse compte tenu de la durée nécessaire pour remplir le questionnaire, estimée à 40 minutes ainsi que de sa charge émotionnelle. Ces derniers ont rajouté des commentaires éclairants, permettant de relier l’humain aux chiffres et de comprendre plus aisément ceux-ci.
91 % de ces répondants ont accepté de participer à une étude longitudinale ; c’est à dire de répondre à nouveau, plusieurs fois, au questionnaire pour évaluer l’évolution de la situation, et visualiser plus clairement si « tel facteur de stress » s’associe à une augmentation du taux de burnout ou d’idéations suicidaires dans le temps.
Au-delà d’un état des lieux ponctuel, que nous avons reçu aujourd’hui, nous allons pouvoir suivre notre profession et réfléchir au mieux nos choix de prévention !

Alors quid de ces résultats ?
– Le taux de burnout, le taux d’idéations suicidaires SONT supérieurs, très supérieurs à ceux de la population générale, et même des agriculteurs. Au cours des dernières semaines 4.8% des vétérinaires déclarent avoir eu des envies de suicide régulières, et 18.4% occasionnellement, ce qui est largement au-dessus des données nationales observées chez les actifs.
– La santé physique des vétérinaires EST mauvaise, les troubles somatiques sont nombreux. Ils consultent peu et pratiquent le présentéisme (aller au travail alors que notre santé nous demanderait de ne pas le faire).
– Les stresseurs qui sont actuellement les plus présents au sein de la population vétérinaires sont la charge de travail, associée au conflit entre vie professionnelle et vie privée ; la peur de l’erreur ; le travail morcelé ; les tensions entre collègues.
– Le Pr. Truchot a également étudié les facteurs de personnalité, la présence « d’évènements de vie » (divorce, deuil …) : quel que soit le prisme choisi, en tenant compte de ces facteurs de personnalités et évènements de vie, les conditions de travail sont impliquées dans la santé physique et psychologique des vétérinaires.
– UN facteur de personnalité qui est très présent chez les vétérinaires : le workaholism = l’addiction au travail. Dans les valeurs masculines de notre profession, il est valorisé de beaucoup travailler. Pourtant, le workaholism est associé à une moindre efficacité professionnelle, à plus de troubles de santé, et à une moins bonne ambiance au travail. Il est mauvais pour notre travail, pour notre santé, pour nos relations avec les autres !!!!

Et maintenant ? Aux « armes », bénévoles ! A nous tous, toutes, de nous regrouper et de travailler pour notre profession, nos consoeurs, nos confrères !